Insolite

Coupe Micra 2018 : Adrénaline maxi sur budget mini

Photographie : Nathalie Kobel

La course automobile a toujours été une histoire de gros sous, mais les manufacturiers ont souvent contribué à rendre cette passion plus accessible en créant des séries monotypes. Monoquoi? Mo-no-type, comme dans un seul type de voiture. En fournissant des bolides identiques aux pilotes amateurs, ces derniers partent égaux sous le drapeau à damier, peu importe leur budget. Mais ce ne sont pas tous les pilotes du dimanche qui peuvent se payer une Ferrari 488 Challenge ou une Lamborghini Huracán Super Trofeo. Il y a bien eu la fameuse Série Honda de 1978 à 1990 pour fournir de l’adrénaline à rabais, puis la Coupe Toyota Echo Pirelli au début des années 2000, mais voilà, ce besoin de bolide de course abordable n’était pas comblé depuis plusieurs années quand la Coupe Micra a été inaugurée en 2015.

Gagnant-gagnant

Avant que ne soit annoncé le retour de la Micra au Canada, le sympathique chroniqueur automobile Jacques Deshaies était affairé à cogner aux portes des manufacturiers. Son idée? Ramener une série monotype pour petits budgets sur les circuits canadiens. Et c’est chez Nissan qu’il a trouvé une terre d’accueil pour son projet. La Micra avait été une sous-compacte fort populaire ici de 1984 à 1991, mais voilà, après 24 ans d’absence, le nom « Micra » n’avait plus d’équité pour de jeunes acheteurs qui n’étaient même pas nés la dernière fois qu’une Micra avait posé ses petits pneus de 12 pouces dans une concession.

Didier Marsaud, directeur des communications pour Nissan Canada, souhaitait donc trouver un véhicule pour recréer de la notoriété pour ce modèle à son retour au pays. La série monotype proposée par l’idéateur Jacques Deshaies a donc séduit M. Marsaud. Quoi de mieux que la course automobile pour démontrer que « sous-compacte » n’est pas synonyme de « sous-voiture »? Et que la p’tite dernière est fiable et amusante à conduire? Étant un ancien de chez Renault Sport, M. Marsaud a bien vu l’opportunité pour Nissan de dynamiser son image avec la compétition automobile et la rencontre des deux passionnés a donné naissance à la Coupe Micra.

Mignonne et costaude

Il faut dire que la Micra se prête à merveille au jeu de la série monotype. D’abord, sa bouille sympathique semble sortie tout droit d’un studio d’animation japonais. Et contrairement à ses compétiteurs, Nissan Canada a su tirer profit de ses installations mexicaines pour nous livrer une sous-compacte neuve sous la barre psychologique des 10 000 $. Sa mécanique est à la fois simple et costaude, donc bien adaptée à l’environnement de la compétition sur budget serré. La Micra est mue par un 4-cylindres atmosphérique de 1,6-litre à 16 soupapes, bon pour 109 chevaux à 6 000 tr/min et 107 lb-pi de couple à 4 400 tr/min, ce qui est amplement suffisant pour s’amuser quand la voiture ne pèse que 1 044 kilos (Micra S manuelle de route). Une boîte manuelle à 5 rapports transmet le tout aux roues avant. Les suspensions sont classiques, avec jambes de force McPherson à l’avant et barre de torsion à l’arrière. La direction est à assistance électrique, et pas besoin de freins exotiques sur une si petite voiture : disques ventilés à l’avant, tambours à l’arrière.

Cette mécanique est à la fois simple et efficace. Jacques Deshaies nous rapporte en effet que certains pilotes n’ont jamais ouvert leur moteur depuis le lancement de la série en 2015, et ce, malgré une vie intense en piste. En tant que commanditaire officiel de la Coupe Micra, Nissan Canada s’occupe directement de la vente des Micra destinées à la compétition. Les pilotes n’ont donc pas à acheter une voiture en concession pour ensuite la « déshabiller » et la rendre conforme aux règles de la série. Nissan nous a habitués à des voitures garnies jusqu’à l’évier de cuisine, mais les « Micra Cup » sont dénudées et modifiées par l’équipe de Motorsport In Action de St-Eustache pour le compte du manufacturier de façon à ce que tous les pilotes disposent rigoureusement du même matériel.

Avec comme point de départ une Micra S manuelle de base, on retire tous les panneaux, tapis et sièges de l’intérieur, qui est donc ramené au métal peint. Puis une solide cage de sécurité à l’épreuve des capotages, avec filet de protection pour le conducteur, est boulonnée en place. Un siège baquet de compétition homologué FIA avec harnais de sécurité à 5 points est installé, de même qu’un extincteur et des crochets de remorquage. Le volant avec coussin gonflable est remplacé par un volant léger de compétition. Les jantes d’acier, les enjoliveurs en plastique et les pneus toutes saisons font place à des jantes en alliage Fast Wheels de type « Panasport » , chaussées de pneus Pirelli lisses de course de 15 po de taille 190/580–15. Les compétiteurs doivent utiliser les mêmes pneus provenant d’un fournisseur exclusif, une autre façon de contrôler les coûts. Nissan installe des pièces de suspension modifiées pour la course, des plaquettes de frein à haute performance et un échappement modifié. Et c’est tout pour la mécanique! La « Coupe Micra » se détaille 22 900 $, tellement prête à rouler que même la combinaison du pilote est incluse au forfait! Et pas besoin de passer par la SAAQ pour une plaque… On sourit toutefois à la vue de la chaîne audio à lecteur CD qui demeure dans le tableau de bord!

Des proprios traités en VIP

L’implication de Nissan dans la Coupe Micra va bien au-delà des bolides comme tels. Étant donné que tous les amateurs de course ne sont pas des pilotes, Nissan a développé un programme « VIP » pour tous les propriétaires de Micra. Ainsi ils peuvent se présenter gratuitement aux événements de la Coupe Micra, et bénéficier d’un espace de stationnement privilégié, des services d’une zone d’hospitalité et même de tours de circuit en tant que passager dans une Micra de compétition munie de deux sièges! Ils peuvent également prendre part à une parade de Micra sur le circuit à bord de leur propre voiture. En bref, Nissan offre aux acheteurs de modestes Micra les privilèges auxquels goûtent parfois les propriétaires de Ferrari. Et ça marche : lors de notre passage à la Classique d’automne du Circuit Mont-Tremblant, de nombreuses et colorées Micra formaient un bel alignement le long de la piste dans le « Parking Micra » bien identifié. Il fallait voir le visage de ce jeune homme, arrivé avec sa Micra, quand il a su qu’il allait avoir droit à des tours de piste avec un pilote… Comme un gamin qui en reçoit plus qu’espéré à Noël!

Un paddock bien garni

La Coupe Micra, c’est pas moins de six fins de semaine de course, trois en Ontario et trois au Québec, avec deux courses par événement. Les pilotes ont donc droit à un minimum de deux heures de pistes chaque week-end. Les circuits qui accueillent le paddock bien garni de la Coupe Micra sont le Canadian Tire Motorsport Park (région d’Oshawa), le Calabogie Motorsport Park (région d’Ottawa), le célèbre Circuit Mont-Tremblant, jadis lieu du Grand-Prix du Canada, ainsi que le circuit temporaire du Grand-Prix de Trois-Rivières.

Les frais d’inscription au championnat sont de 8 150 $ par voiture, incluant une journée d’essais techniques au circuit ICAR de Mirabel. Les pilotes peuvent également y aller à la pièce, à raison de 2 500 $ par épreuve et 500 $ pour la journée chez ICAR. Pas moins d’une trentaine de bolides se sont inscrits pour la saison 2018, derrière les volants desquels on peut souligner la présence d’Austin Riley, premier pilote canadien autiste, de notre Michel Barette national et de la redoutable Valérie Limoges de Longueuil. Les pilotes doivent détenir une licence de pilote sur circuit routier ASQ ou CASC, ou un équivalent reconnu.

Héritage canadien

Vers 2007–2008, Nissan vendait environ 80 000 véhicules par an au Canada. Notre marché comporte ses spécificités, mais à cette époque la société considérait un peu le pays comme le « 51è état » . Étant étroitement associés à Renault depuis 1999, plusieurs cadres du manufacturier français ont glissé vers des postes de leur cousin japonais. Arrivé à la tête de Nissan Canada à la fin des années 2000, Christian Meunier voit bien que notre marché a soif de créneaux différents de ce qui est offert aux clients américains. C’est ainsi que Nissan Canada introduit graduellement des exclusivités canadiennes dans ses concessions, comme le VUS compact X-Trail, apprécié en Europe, et organise évidemment le retour au pays de la Micra au cours de 2014. Le successeur de M. Meunier, Joni Paiva, poursuit dans cette veine en nous offrant par exemple le Qashqai avec une boîte manuelle à laquelle les Américains n’ont pas accès. Cette approche adaptée au marché a été payante pour Nissan Canada, dont les ventes annuelles frisent maintenant les 140 000 unités vendues.

Bien qu’il soit difficile de faire une corrélation directe entre la Coupe Micra et les ventes en concession, Nissan Canada est très satisfaite de la réponse du marché à la Micra, dont 50 pour cent des ventes se font au Québec. Et si globalement le marché des sous-compactes est en perte de vitesse, le tandem Micra – Versa Note se tire bien d’affaires et souffre moins que la compétition. Avec une telle performance aux ventes, l’équipe en place jouit donc d’une excellente crédibilité auprès de la maison mère au Japon, d’où la carte blanche pour l’engagement de Nissan Canada avec la Coupe Micra. D’ailleurs, l’entente entre le promoteur et le manufacturier a été renouvelée pour trois ans l’an dernier.

La p’tite terreur des circuits n’a donc pas dit son dernier mot!