Avis d'expert

Essai routier : Jaguar I-Pace HSE First Edition 2019

8,2
10
SCORE AutoHebdo
Ce score est attribué par notre équipe d’experts après des tests approfondis de la voiture
  • DESIGN
    9/10
  • Sécurité
    8/10
  • HABITABILITÉ
    8/10
  • CONVIVIALITÉ
    7/10
  • CARACTÉRISTIQUES
    7/10
  • PUISSANCE
    9/10
  • CONFORT
    8/10
  • AGRÉMENT DE CONDUITE
    9/10
  • CONSOMMATION DE CARBURANT
    10/10
  • VALEUR
    7/10

Cher lecteur, j’ai les mains moites. Non, ce n’est pas l’autoroute Décarie qui m’intimide en ce frisquet lundi après-midi, ni la crainte d’un poisson d’avril de la part de l’estimateur d’autonomie de ce grand fauve totalement électrifié. C’est que, voyez-vous, il s’agit de la bagnole la plus complexe à être passée entre mes mains. Vrai, l’ingénieur que je suis en a vu d’autres. Mais je vais bientôt pointer ce bolide vers Ottawa d’ici 48 heures, me laissant bien peu de temps pour me familiariser avec les subtilités de son efficacité électrique. Entre Rigaud et Casselman, c’est le désert pour un VÉ.

Et la vélocité? Comme l’a dit religieusement ma première passagère, « Holy Sh**! »

Je ne semble pas être le seul à m’être questionné sur les commandes non intuitives de la Jaguar I-Pace de presse, car le manuel du conducteur est non seulement déballé, mais de plus ses coins de pages sont bien ronds. Juste pour me rassurer, je viens de consulter un tableau publié par un blogue américain consacré aux VÉ, et la I-Pace est la moins efficace de toutes (elle a été détrônée par l’Audi e-tron quelques jours plus tard). Vrai que son autonomie annoncée est de 377 km, mais plusieurs clament que la I-Pace épuise rapidement ses réserves. Mon premier parcours urbain de 25 km en bouffe 50 sur les prévisions de l’ordinateur de bord, et j’ai 220 km à faire mercredi matin. Votre chroniqueur fera-t-il du pouce en route pour Ottawa?

La plus jaguar des Jaguar

Grâce, espace et vélocité. Voilà la devise traditionnelle de la marque lancée par Sir William Lyons au siècle dernier. La I-Pace a été dessinée depuis une page blanche par l’équipe du chef styliste de Jaguar, Ian Callum. Ce dernier était ravi de ne pas avoir à s’embarrasser des contraintes d’habillage d’un véhicule à motorisation thermique, ce qui lui a permis de réinventer ce qu’est une Jaguar. Les photos ne rendent pas justice à la grâce de la I-Pace. En personne, sa ligne trapue accentue sa largeur et elle offre la présence à la fois élégante et musclée du grand fauve, une aristocratique intimidation visuelle inscrite à l’ADN de la marque.

Rien à redire pour l’espace non plus. L’habitacle à cinq places est fort logeable et le coffre est profond. L’architecture de ce multisegment place la massive batterie de 90 kWh sous le plancher, plaçant les sièges à une hauteur naturelle – on n’y monte pas plus qu’on y descend – on s’y assoit, tout simplement. L’intérieur est moderne, voire techno, mais sans excès quant au visuel. Les contrôles sont placés selon un devis d’esthétisme indéniable, avec parfaite symétrie des boutons de commande. L’écran tactile inférieur est affleurant, dépourvu d’un vulgaire cadre. Le métal satiné et les boiseries sombres ajoutent un luxe raffiné, sans tape-à-l’œil. Le bonbon se trouve dans les affichages des écrans tactiles à haute définition (10 po et 5 po) et dans celui de la nacelle d’instruments paramétrable. Oui il faut potasser le manuel pour comprendre quoi faire avec ces boutons, mais diable qu’ils sont beaux!

L’espace pour la tête, sous le vaste toit panoramique fixe, est ample et tant l’ouverture des portières que celle du hayon arrière électrifié, qui va au plancher, facilitent l’accès à bord avec grâce. Seul le petit coffre de 27 L caché sous le capot avant frise le ridicule, mais on peut y loger quelques bidons de lave-glace et une trousse d’urgence, par exemple.

Et la vélocité? Comme l’a dit religieusement ma première passagère, « Holy Sh**! ». Comme un vrai jaguar, ce fauve bondit sec et sans bruit, atteignant des vitesses folles en un rien de temps (0–100 km/h en 4,8 s selon Jaguar) et dans un silence complet. La I-Pace dispose de deux moteurs électriques identiques de 197 chevaux, l’un au train avant et l’autre à l’arrière. Leur puissance combinée est de 394 équidés, et le couple massif est de 512 lb-pi, disponible sans attendre. La traction intégrale en prise constante – la I-Pace n’a pas de transmission, les deux moteurs sont en prise directe – ne patine aucunement et les massifs pneus d’hiver de 22 po s’accrochent au bitume comme les griffes d’un jaguar qui bondit vers sa proie. Vraiment, c’est la plus jaguar des Jaguar.

Le spectre du Prince des Ténèbres

Un vieux gag issu de la piètre qualité des petits roadsters anglais d’antan rebaptisait leur équipementier électrique, Lucas, sous le vocable de « Prince des Ténèbres », car tout le bazar s’éteignait la nuit, au milieu de nulle part évidemment. Sous ma gouverne, je vous rassure, la voiture anglaise entièrement électrique qu’est la I-Pace n’a généré aucun pépin. Enfin, peut-être un : l’écran de navigation de la nacelle d’instrument s’éteignait à l’occasion pendant quelques millisecondes, possiblement au changement de satellite.

Comme pour tout VÉ, la I-Pace est entièrement dépendante de sources d’alimentation externe pour alimenter sa batterie. L’auto est livrée avec un petit chargeur portable de 120V, utilisable sur des fiches standard, mais vu la grande capacité de la batterie, vous en aurez pour plus de 24 heures afin de faire une recharge complète de cette façon, au taux de 11 km d’autonomie à l’heure. Vient ensuite la recharge sur bornes de 220–240V, grâce à la prise SAE J1772 standard qu’on retrouve partout en Amérique du Nord. Comptez 12,9 heures pour une recharge complète. Enfin, vu sa grande capacité, la I-Pace offre la recharge rapide DC Niveau 2 avec fiche normalisée CCS. Sur ces installations commerciales, la Jaguar met 90 minutes pour restaurer 80 % de sa capacité. Comme pour tous les VÉ, on vous recommande de passer à une borne 240V pour terminer la charge, qui sera plus efficace et moins coûteuse (on y revient).

De Montréal à Ottawa

Après avoir bien étudié le manuel et les systèmes de la I-Pace, on la prépare pour ses 220 km d’autoroute. D’abord, je branche la voiture pour la nuit sur ma borne domestique, et je programme l’heure de départ afin d’activer le conditionnement de la batterie et de l’habitacle. En le préchauffant, on peut se permettre d’éteindre complètement la ventilation, le chauffage par air pulsé étant très taxant pour un VÉ. Le matin venu, on débranche l’auto, on éteint sièges et volant chauffant, on active le mode ECO et on se lance, la voiture affichant une autonomie ultime de 306 km. Surtout, on y va « tout doux mon gros minou », on respecte les limites de vitesse et on suit le trafic.

On réalise rapidement que le freinage régénératif est pratiquement absent, alors que la veille, on conduisait à une pédale. C’est qu’avec une batterie bien pleine, la voiture refuse d’accumuler de l’énergie faute d’espace de stockage. Graduellement, avec les kilomètres, les réserves se consomment et le taux de récupération d’énergie augmente. Ce taux variable est symbolisé par une barre verte qui se déplace sur la moitié gauche de l’indicateur principal, très convivial comme affichage.

Passé la circulation du grand Montréal, on active le régulateur de vitesse intelligent à 104 km/h, juste assez pour ne pas se coller aux camions, ainsi que les aides à la conduite. Grâce au soleil et aux 9 degrés dehors, l’habitacle silencieux reste confortable sans ventilation ni chauffage. La I-Pace est sereine sur l’autoroute, et on profite de l’excellente sonorisation Meridian pour faire passer les kilomètres. Curieusement, entre les modes « Meridian », « Dolby » et « DTS Surround », c’est le bon vieux « Stereo » qui rend le plus justice à ma muse Lana Del Ray. Le système d’infodivertissement nous permet de suivre notre consommation d’énergie en direct. Alors qu’on était dans les 20 kWh / 100 km dans la circulation, notre indice a graduellement grimpé jusqu’à un plateau de 25,3 kWh/100 km dans les grands espaces du comté de Prescott-Russel.

Après deux heures de route et 160,5 km parcourus, on fait une pause-repas à Casselman et on en profite pour recharger la I-Pace sur une massive borne DC Niveau 2 du Circuit Électrique. La batterie de notre Jaguar fait 90 kWh de capacité, mais la portion utilisable est de 84,7 kWh. La jauge indique que nous sommes environ à 50 % de charge et l’ordinateur de bord anticipe un solde d’autonomie d’environ 150 km. Pendant la pause-repas de 34 minutes, on ajoute 24,05 kWh, l’autonomie passe à 241 km et la jauge à 80 % environ. Ces bornes sont idéales pour ces brèves étapes, car plus le niveau de charge augmente, plus le taux de recharge ralentit afin de protéger la batterie. Le coût, lui, ne change pas de taux : nous étions à 17 $/heure. Généralement, les bornes à haute vitesse coûtent de 10 $ à 20 $ de l’heure.

On parcourt les 53 km qui nous séparent d’Ottawa avec un score parfait d’écoconduite, puis on complète la recharge sur une borne AC Niveau 2, plus lente, mais moins coûteuse à 1 $ / heure. À 75 % de charge, la voiture prévoit mettre 4h36 à atteindre le « plein jus ».

Ottawa – Montréal

Terminé les mains moites, nous avons maintenant pleine confiance dans notre grand félin, et on a même finalement maîtrisé la majorité des commandes. On découvre toujours de nouveaux menus, car il y a une certaine redondance entre les deux écrans tactiles, qu’on peut aussi glisser de haut en bas et de droite à gauche pour faire apparaître encore plus de menus et affichages. Cela permet entre autres de laisser la navigation active sur l’écran supérieur, et d’avoir les commandes audio sur l’écran inférieur.

La I-Pace tient compte de notre bon dossier de conduite et nous prédit 317 km d’autonomie. Cette fois, on rapatrie la maison d’un trait, sans arrêt, mais sous les mêmes conditions : ventilation éteinte, régulateur de vitesse réglé sur 104 km/h, chaîne audio bien exploitée. Même la température extérieure est identique, mais soleil couchant on se paie le volant chauffant à partir de Rigaud.

Sans tracas, on arrive à domicile après 213,5 km parcourus à la vitesse moyenne de 94 km/h, pour une consommation de 24,5 kWh / 100 km. On laisse 113 km sur la table, d’où une autonomie potentielle de 326 km à ce rythme, de quoi rallier Trois-Rivières depuis Ottawa d’un seul trait. La recharge nocturne complète sur ma borne domestique ajoute 62,72 kWh au « réservoir » et le matin venu, la voiture nous prédit la capacité de parcourir 354 km. Parions qu’avec plus de temps sous notre aile, des pneumatiques estivaux ayant moins de résistance au roulement et en abaissant la suspension pneumatique, on pourrait s’approcher des 377 km promis.

Bien nourrir son chat

Nous avons parcouru un total de 631,8 km avec la I-Pace, qui a englouti en retour 197,144 kWh, pour une moyenne de 31,2 kWh / 100 km. Cette donnée inclut cependant du préconditionnement à domicile. La Jaguar confirme sa réputation de gloutonne, car elle a effectivement un faible pour les croquettes d’Hydro-Québec. Par analogie, le coût des recharges équivaut à celui d’une voiture à essence qui fait 4 l/100 km. La plus assoiffée des électriques reste donc plus frugale que la plus frugale des voitures à essence…

Il demeure que la I-Pace est avant tout un multisegment de grand tourisme qui allie la grâce, l’espace et la vélocité qu’on attend d’un produit Jaguar vendu à plus de 100 000 $, sans égard à son mode de propulsion. Tout aussi radical qu’il soit, ce bolide épouse parfaitement le credo de la digne marque anglaise et démontre que l’électrique a parfaitement sa place dans ce sélect club privé. « Shocking! », diront les chapeaux melons.

Caractéristiques
Cylindrée n/d
Nb. de cylindres AC (deux)
Puissance 394 ch
Couple 512 lb-pi
Consommation de carburant 2,9 / 3,3 / 3,1 Le/100 km ville/route/comb
Volume de chargement 638 / 1 435 L
Modèle à l'essai Jaguar I-Pace EV400 HSE First Edition 2019
Prix de base 99 800 $
Taxe climatiseur 100 $
Frais transport et préparation 1 750 $
Prix tel qu’essayé 111 710 $
Équipement en option
10 060 $ – Peinture Rouge photon 800 $; contour des vitres latérales noir lustré 130 $; jantes de 22 po à 5 rayons 2 700 $; recouvrement intérieur en cuir rehaussé 1 530 $; garniture de toit en suédine ébène 1 020 $; placage en frêne anthracite satiné 410 $; Groupe climat hivernal (volant, pare-brise et essuie-glaces chauffants) 550 $; affichage tête haute 1 020 $; Climatisation à quatre zones 920 $; Réponse adaptative à la surface AdSR 260 $; Systèmes dynamiques adaptatifs 720 $