Culture Pop

Volkswagen Type 2 : la riche histoire de l’ancêtre de l’ID. Buzz

Le texte qui suit est un extrait du livre Californie, le paradis des voitures anciennes, écrit par Daniel Rufiange. Vous pouvez acheter le livre complet ici.

Il y a une dizaine de jours, Volkswagen conviait la presse nord-américaine à San Francisco pour lui faire essayer les versions du nouveau modèle électrique qu’elle s’apprête à proposer aux consommateurs d’ici, soit la fourgonnette ID. Buzz

L’ID. Buzz, c’est l’interprétation moderne d’un produit mythique qui a littéralement permis à Volkswagen de faire une percée sur notre continent, il y a plus de 50 ans. Et le produit dépasse le simple cadre automobile. En fait, lorsque le simple fait de regarder un véhicule nous fait revivre une période complète de l’histoire, nous ramène à la période hippie et nous rappelle le mouvement de contre-culture des années 60 aux États-Unis, c’est que son impact a dépassé les rêves les plus fous de ses concepteurs.

Examinons un peu comment le Volkswagen Microbus a réussi à devenir le symbole qu’il est.

Le nom

On fait référence au Volkswagen Microbus comme du Type 2. Il faut comprendre que le modèle Type 1, c’est la Beetle, celle que l’on a connue ici sous le sobriquet de Coccinelle. Si l’on a utilisé l’appellation Type 2, c’est tout simplement qu’il s’agissait du deuxième modèle de la marque, un produit destiné à remplir une mission commerciale au départ. Ce dernier a été baptisé de bien des façons, car il pouvait être servi sous forme de fourgon, de bus, de camionnette et même d’ambulance. Son format et son design se prêtaient merveilleusement à la personnalisation.

Essayer de vous raconter son histoire en peu de mots relève de la folie. Le Type 2 est commercialisé depuis plus de 70 ans. Le modèle actuel est celui de la sixième génération, chacune étant simplement identifiée comme T1, T2, etc. L’objectif ici est de souligner les grandes lignes de son histoire et noter quelques faits amusants afin de rappeler son importance, pour que l’on comprenne bien pourquoi Volkswagen a décidé de s’en inspirer pour donner naissance à l’ID. Buzz.

Allons-y avec un peu d’histoire.

Des débuts modestes

Introduit en 1949 comme modèle 1950, le Type 2 a vu sa production s’amorcer lentement. En avril 1950, seulement 309 fourgons avaient été livrés. Les variantes microbus et Kombi (combinaison entre le fourgon et le bus, avec sièges arrière amovibles) voient pour leur part leur assemblage être lancé en mai 1950, mais le rythme demeure lent. Même vers la fin de cette année-là, la production mensuelle n’est qu’à 1126 unités (octobre). À la fin de 1950, on aura produit 8059 unités, dont 5662 fourgons de livraison, 1142 bus et 1254 Kombi. Un calcul rapide nous fait réaliser qu’il manque un modèle. Il s’agit de la première camionnette, un véhicule qu’on a connu chez nous sous le nom de Transporter.

 

La production va grimper à 12 003 unités en 1951. C’était bien peu par rapport aux 93 709 Beetle qui sortaient de l’usine cette année-là, mais chez Volkswagen, on n’a jamais cessé de croire au potentiel du modèle, même si certaines critiques donnaient peu cher de sa peau. Fait incroyable, la production du Type 2 va croître sans cesse, chaque année, pour atteindre 187 947 unités en 1964. À tous les millésimes, la version la plus populaire était le fourgon de livraison, pour des raisons évidentes. Ceux-ci permettaient aux entreprises d’opérer un véhicule pratique, facile à réparer, peu coûteux à entretenir et relativement frugal à la pompe. Le modèle Kombi va aussi s’imposer au point de devenir le deuxième en importance. Pour les familles, il représentait aussi une solution idéale. On peut franchement parler de l’ancêtre de la minifourgonnette apparue dans les années 80. 

Le responsable

Derrière ce succès, un homme, Heinz Nordhoff, le grand patron de Volkswagen de 1948 jusqu’à sa mort, en avril 1968. C’est lui qui est partiellement derrière l’arrivée du modèle Type 2 sur le marché. C’est sous sa gouverne que Volkswagen est passée d’une entreprise qui n’avait pas de propriétaires au tournant de la guerre (l’armée britannique avait assuré la reprise des opérations après le grand conflit) pour en faire une des entreprises les plus productives de l’Allemagne de l’Ouest, voire de la planète. Au passage, la relance économique de l’Allemagne libre s’est effectuée à une vitesse phénoménale. La Beetle allait devenir, en 1972, la voiture la plus vendue de l’histoire, devançant l’icône américain qu’avait été la Ford Model T, écoulée à un peu plus de 15 millions d’exemplaires entre 1909 et 1927. Et tout cela allait se faire grâce au concours des Américains eux-mêmes, car pendant les années 60, aucune autre marque étrangère n’allait écouler autant de modèles que Volkswagen aux États-Unis. En fait, à elle seule, elle vendait plus de véhicules que toutes les autres marques étrangères en sol américain. Tout cela n’aurait pas été possible sans la vision de Heinz Nordhoff.

Des versions rares

À travers des décennies d’histoire, il est évident que certaines éditions ayant vu le jour sont aujourd’hui plus rares. C’est par exemple le cas de tous les modèles produits avant novembre 1950. Ces derniers portent tous un immense logo Volkswagen dans la partie supérieure du panneau arrière. Personnellement, je n’en ai croisé qu’un seul, lors d’un salon automobile. Le plus vieil exemplaire connu se trouve au sein de la collection des véhicules commerciaux de Volkswagen de Hanovre, en Allemagne. 

Une philosophie différente

Il est intéressant de voir de quelle façon Volkswagen percevait ses deux produits vedettes à l’époque, la Beetle et le Type 2. L’entreprise voyait la première comme un modèle que les gens pouvaient se payer avec leurs économies. Elle considérait le deuxième comme un produit qui méritait que les gens investissent en lui pour ensuite réaliser des profits et des économies, faisant référence au potentiel des fourgons commerciaux, bien entendu.

Le premier million

C’est en septembre 1962 que le millionième exemplaire du Volkswagen Type 2 fut assemblé. Il s’agissait d’une version microbus à 23 fenêtres, celle qui vaut aujourd’hui le plus cher sur le marché. Il ne faudra que six autres années avant de voir le deux millionième modèle être construit. À ce moment de l’histoire, le Transporter est distribué à travers quelque 130 pays à travers le monde. Aujourd’hui, plus 12 millions d’unités ont vu le jour, en incluant bien sûr la version actuelle qui n’est plus offerte chez nous, il faut le souligner.

Westfalia

Souvent, les gens vont faire référence à un fourgon Volkswagen modifié en véhicule récréatif en utilisant le terme Westfalia ou en faisant simplement référence à un « West ». Dans les faits, la compagnie ne proposait pas de versions nommées Westfalia. C’est plutôt une entreprise portant ce nom qui s’occupait de modifier les fourgons de Volkswagen pour en faire des compagnons parfaits pour prendre la route. La firme, qui était alors basée en Allemagne, a converti son premier modèle en 1951. Avec la deuxième génération du Type 2 (1968-1979), elle va entre autres introduire une modification au toit qui permettait de lever ce dernier comme le capot d’une voiture, ce qui permettait de se tenir debout à l’intérieur. La clientèle en a raffolé.

Les autres générations

Je viens d’y faire allusion, la deuxième génération du modèle est apparue en 1968, elle reprenait essentiellement le même design arrondi de la première, mais deux éléments très précis permettent de facilement distinguer les cuvées. Ceux de la première voient une moulure s’étirer vers l’avant pour former un V, délimitant au passage les approches bicolores qui étaient proposées. Les créations du premier opus voient aussi leur parebrise être doté d’un séparateur. La majorité des modèles photographiés en Californie sont de la deuxième génération (partie avant plus épurée, grande vitre sans division), mais vous pourrez maintenant reconnaître facilement les deux unités qui sont identifiables à la première. 

 

 

La troisième génération a fait ses débuts pour l’année 1980 et voyait le modèle adopter un style plus carré. Le Type 2 T3 proposait toujours un moteur arrière refroidi à l’air, mais on allait passer à un système de refroidissement à l’eau à compter du milieu de 1983. En 1990, la variante T4 faisait ses débuts, cette fois avec un moteur situé à l’avant. On retrouve plusieurs T3 en Californie, ainsi que quelques T4. Certains les préfèrent aux T1 et T2 en raison de leur plus grande modernité, mais l’aspect mythique est moins fort. Les modèles T3 et T4 sont connus ici sous les noms Vanagon et Eurovan, respectivement.

Les générations T5 et T6 ont fait leurs débuts en 2003 et 2015, dans l’ordre. Elles n’ont pas été commercialisées aux États-Unis et au Canada. 

Volkswagen et la Californie

Le Volkswagen Type 2 s’est pointé en 1956 aux États-Unis et il a connu son envol au cours des années 60, à un moment parfait de l’histoire pour symboliser la contre-culture. Pour plusieurs, il est devenu un objet de protestation contre l’omniprésence des véhicules des trois grands constructeurs, omniprésents et omnipuissants. Pour quantité de familles, il était vu comme une solution de rechange intéressante à la familiale équipée d’un gros moteur V8.

Le modèle a aussi été utilisé par des groupes musicaux qui s’en servaient pour trimbaler leur équipement en tournée. Il a servi quantité d’organismes cherchant à transporter un maximum de gens à des manifestations de tout genre. Ceux qui se déplaçaient partout pour assister à ces événements, ou à des concerts musicaux, le faisaient souvent avec un Microbus. Avec le mouvement hippie de la fin des années 60, on a vu quantité de modèles être décorés de fleurs et de signes de paix. Au mégaconcert de Woodstock, en 1969, des exemplaires du modèle pouvaient être vus partout. Le Type 2 est devenu un symbole d’une nouvelle culture américaine.

Et lorsqu’on voyage en Californie, même 50 ans après la frénésie des années 60, on voit des exemplaires partout. Les photos qui accompagnent ce dossier ont toutes été captées dans cet État américain au fil de mes voyages, au fil des années. Comme vous allez le constater, on retrouve des variantes dans toutes les conditions possibles. 

La grande question est de savoir si l’ID. Buzz réussira à avoir le même genre d’impact. Disons que ce serait étonnant, compte tenu du succès du modèle original, mais s’il en atteint le dixième, ce sera un succès.