Avis d'expert

Chevrolet Camaro Turbo 1LT 2019 : essai routier

7,2
10
SCORE AutoHebdo
Ce score est attribué par notre équipe d’experts après des tests approfondis de la voiture
  • DESIGN
    9/10
  • Sécurité
    6/10
  • HABITABILITÉ
    5/10
  • CONVIVIALITÉ
    6/10
  • CARACTÉRISTIQUES
    6/10
  • PUISSANCE
    9/10
  • CONFORT
    5/10
  • AGRÉMENT DE CONDUITE
    10/10
  • CONSOMMATION DE CARBURANT
    8/10
  • VALEUR
    8/10

Quand il est question de la Chevrolet Camaro, il est quasi obligatoire de fredonner « Dans ma Camaro je t’emmènerai à San Francisco… », le succès de Steve Fiset, mais c’est tellement cliché. Cher lecteur, je vais plutôt vous citer Jean de La Fontaine. Non, il ne roulait pas en Camaro, mais vous connaissez « Le rat des villes et le rat des champs », cette fable qui célèbre nos différences? Si le réputé conteur français était de notre époque, il aurait pu faire un trio avec le rat des pistes, aussi connu sous le vocable de « track rat ». Ce rongeur fait surface les fins de semaine; il s’attaque aux virages, grignote les vibreurs et gruge les secondes au chronomètre. Et Chevrolet lui offre un outil sur mesure pour se rassasier, et ce, à prix d’ami.

La direction de la 1LE est tout simplement chirurgicale. Avec elle, on n’enfile pas les virages – on les dissèque…

Discrète renaissance

Inspirée par le succès de la Ford Mustang, Chevrolet s’est également tournée vers les années soixante pour livrer un coupé sport qui s’inspire du premier de la lignée. Cette renaissance en 2010 fut si discrète chez nous qu’une connaissance m’a demandé : « Il se fait toujours des Camaro? »

Oh que oui, cher ami. Bien que toujours inspirée par la doyenne, la génération actuelle, apparue en 2016, a fait table rase de son architecture australienne vétuste pour adopter la plateforme GM Alpha de classe internationale, celle de la sportive Cadillac ATS. D’emblée, ce châssis qui a fait ses classes sur le diabolique circuit allemand du Nürburgring a transformé la Camaro de faire-valoir de Mustang à celle qui montre ses feux arrière à la compétition. Et le rat des pistes de saliver d’impatience…

Un Hot Wheels, dehors comme dedans

Pour qui collectionne les jolies créations sur roues de Mattel, la Camaro 2019 ne représente rien de moins qu’un fantasme de jeune garçon, qui s’imagine au volant de son rutilant petit bolide. La Camaro offre une ligne moins raffinée que celle de la Mustang, son éternelle rivale, mais tout dans son dessin vient « chercher » l’illusion de mouvement et de vitesse dans l’immobilité qu’inspire un jouet Hot Wheels.

La calandre bien horizontale et noire est sertie tout au fond du museau à la façon des muscle cars de la belle époque, tout en étant encadrée d’intimidants phares à DEL. La ligne de toit est tronquée, surbaissée, sculptée, livrant une surface vitrée digne d’un tank. Les hanches sont larges, horizontales, pour mieux couvrir les immenses pneumatiques. Le groupe 1LE en rajoute, avec un aileron avant effilé comme un couteau et un subtil becquet arrière. Les énormes jantes noires de 20 pouces sont agressives et dévoilent les étriers de frein Brembo; plus larges à l’arrière qu’à l’avant, elles ajoutent à l’intimidante prestance du coupé. Le capot, bombé comme les manches de chemise de Dwayne Johnson, se pare d’une pellicule noir mat, pour absorber les reflets du soleil pouvant déranger le rat des pistes. Tout ici transpire le bolide de course, jusqu’à la peinture optionnelle Bleu Riverside (avis aux traducteurs de chez Chevrolet les amis, Riverside, c’est un circuit de course bien connu de la Californie, alors votre « Bleu Rivage »…)

Quand on regarde à travers les glaces d’un Hot Wheels, on voit… du plastique. C’est triste en comparaison avec l’extérieur, pour le jouet comme pour la Camaro. La planche de bord mérite son nom, en plus d’être entièrement en « dur », sauf pour sa face verticale. Au centre, on retrouve un petit écran tactile très (trop?) penché vers le bas, serti dans un bloc de plastique très Nintendo en surface du tableau de bord. La nacelle d’instrument imite deux gros yeux aux sourcils relevés, mais au moins le compte-tours, l’ordinateur de bord et l’indicateur de vitesse y sont très lisibles.

Plus réussies, les buses de ventilation rétro en console centrale cachent des astuces : l’anneau de chrome de celle de gauche règle la température et celui de droite la vitesse du ventilateur. Quelques boutons assurent les autres fonctions de chauffage et climatisation. Les rangements s’inspirent de 1968, avec un coffre à gant secondé par un tout petit logement sous l’accoudoir, par ailleurs impossible à utiliser quand le véhicule est en marche. Heureusement qu’il y a les portes-gobelets pour recevoir téléphone et autre carte de stationnement. Ne cherchez pas de rangements dans les plastiques durs des portières : le seul « trou » s’y trouvant sert à manipuler la massive porte.

Les places arrière? Il y en a deux, et s’y rendre (ou s’en extirper) est digne d’American Ninja. Même ma fille de 15 ans y touche le plafond. À l’avant, mes six pieds sont parfaitement alignés avec l’horizon limité vers l’extérieur, mais le dos déplore l’absence d’un support lombaire réglable (c’est mou et creux) et le popotin fait remarquer par un froid matin que seuls les sièges de cuir optionnels offrent le chauffage. La chaîne audio, tradition GM, n’accepte que quatre albums de la clé MP3 qui m’accompagne dans tous les essais et sa sonorité est plus qu’ordinaire (un rehaussement Bose est optionnel).

Mais ne vous détrompez pas : remettre les clés de cette Camaro a été d’un pénible…

Mécanique sur mesure

Sous ce capot tellement gonflé qu’on dirait qu’il va se fendre, l’acheteur fait face à une pléthore de choix rarement offerte de nos jours. Le carnet de commandes débute par le 4-cylindres 2,0-litres du modèle d’essai. Non, on ne rit pas. Cet engin moderne, abonné à l’essence super, est doté de la turbocompression double vanne, de l’injection directe, de la distribution à calage variable et de deux arbres à cames en tête. Avec une ligne rouge fixée à 7 000 tours, il développe 275 chevaux, mais surtout offre un couple de 295 lb-pi sur une vaste plage qui couvre 1 500 tours. Vous riez toujours? Avec ce moteur et la boîte manuelle à six vitesses livrée de série, ce « p’tit 4 » concède moins d’une seconde à la Mustang GT 5,0-litres sur le chrono 0–100 km/h. Vous ne riez plus? C’est bien, vous suivez.

Vient ensuite une version 335 chevaux du nouveau V6 corporatif de 3,6 litres, puis au sommet de la hiérarchie, les traditionnels V8 à culbuteurs de 6,2 litres, développant de 455 à 650 chevaux selon les versions.

La piste et rien d’autre

Notre représentant média GM a spécifiquement commandé cette Camaro avec le rat des pistes en tête. La bagnole n’a que deux options : une peinture « premium », et ce fameux groupe 1LE. Ajouté au catalogue de la Camaro Turbo pour 2019, il prépare la voiture depuis l’usine à un usage sur piste.

Pour 5 195 $, il offre une panoplie complète de coureur de fin de semaine : pneus d’été de performance Goodyear Eagle F1 à affaissement limité, en 245/40ZR20 à l’avant et 275/35ZR20 à l’arrière, de puissants étriers de freins Brembo, un refroidissement moteur « service dur », des systèmes de refroidissement pour la boîte de vitesses et le différentiel arrière à glissement limité et une suspension bien musclée.

Disséquer le bitume

On ne monte pas dans une Camaro – on y descend. Avec cette ligne de toit tronquée, il y fait sombre, et l’horizon est bien mince entre le haut du pare-brise et le capot gonflé. La console centrale est très haute et le contenu des portes-tasse gêne l’usage du levier de vitesse. Exclusif au groupe 1LE, ce dernier est recouvert d’un suède bien adhérant, tout comme le boudin du génial volant à méplat. On se défait l’épaule pour agripper sa ceinture qui, soit dit en passant, viendra limer le cou des passagers moins verticalement nantis. Le baquet bien ajusté pour l’embrayage, on remarque que nos genoux deviennent intimes avec les plastiques durs de la portière et de la console. Mais où est passée la largeur considérable de cette voiture?

La première pression du bouton de démarrage surprend, alors que la note de bombinette traficotée du 2,0-litres contraste avec le machisme de l’environnement. On prend goût aux vibrations de la tubulure d’échappement, que l’électronique vient améliorer artificiellement. Mécanique et circuits imprimés augmentent par ailleurs sensiblement la piste audio du moteur alors qu’on escalade les modes de conduite Tourisme, Sport et Piste.

La prise directe du trapu levier de vitesses sur la boîte est un plaisir rare de nos jours. Dès les premiers tours de roue, on réalise qu’on a affaire à un outil de précision dont le destin est spécifique : conduire. La direction de la 1LE est tout simplement chirurgicale. Avec elle, on n’enfile pas les virages – on les dissèque. Sa précision créé une dépendance dont on ne revient pas; on place la voiture au millimètre près et sa largeur s’efface. La suspension ne fait pas dans la dentelle et il faut y songer par deux fois avant de l’adopter pour le long terme, rat des pistes ou pas. Aucun réglage possible ici, et les amortisseurs magnétorhéologiques des Camaro huit cylindres sont absents. Ça vous tabasse la charpente, mais moins que le Groupe performance de la Mustang. Les pneus larges comme un rouleau compresseur surplombent les petits cratères urbains, c’est au moins ça, mais la fermeté de l’ensemble vous donnera l’impression de frapper une chaîne de trottoir quand vous passez sur ces plaques d’acier qui recouvrent des tranchées.

En retour, ce bolide vire parfaitement à plat. Négocier une intersection sans déroger de la limite de vitesse de 50 km/h? Aucun problème, ça tourne sur des rails. La position de conduite confinée prend alors tout son sens – sur un circuit, le pilote ne doit pas bouger pour rester en contrôle. Les échangeurs en trèfle et les courbes en succession deviennent des sucreries sur vos parcours – la 1LE gobe les virages comme Pac-Man les pastilles.

Et ce moulin… La turbocompression livre la marchandise au-delà des attentes. Accéder à une autoroute depuis l’arrêt devient une joie – le 2,0-litres litres monte rapidement en régime, vous collant au dossier avec le rugissement aigu d’une petite italienne de la belle époque. Un départ canon fera patiner les 550 mm de gommes combinées à l’arrière. Une fois lancé, ce moulin offre 100 % de son couple sans avoir à flirter avec la ligne rouge. À 100 km/h en 6e, il patiente à 1 900 tours; à 119 km/h, le moteur ronronne à 2 200 tours. Enfoncer l’accélérateur en 6e à ce régime augmente la vélocité à un rythme étonnant, livrant une accélération linéaire comme celle d’un moteur électrique, et tel un requin qui perce un banc de carpes la voie de gauche se libère devant vous. Attention au permis : à 2 500 tours, le moteur est d’un calme, mais vous êtes à 140 km/h…

Comme des chaussures de course

Un outil à usage trop restreint la Camaro Turbo 1LE? Il faut nuancer. L’embrayage est suffisamment léger pour ne pas vous torturer dans la circulation, mais assez ferme pour bien le sentir en conduite soutenue. Le moteur n’ameute pas le voisinage. L’ouverture du coffre est ridiculement petite, mais son volume étonne quand même (on y a entré notre panier Costco). En mode Tourisme, la direction est plus légère, mais sans rien perdre de sa précision. De plus, le rayon de braquage est nettement plus serré que chez la Mustang, et on enfile la Camaro dans un stationnement en sous-sol sans problème. Et vous avez vu son prix? Ça vous défie une allemande pointue sur circuit au tiers du prix.

La cerise sur le sundae se trouve droit devant vous, à l’ordinateur de bord : tout ce plaisir dans les 9 L/100 km? Inattendu. On a alors redoublé sur les garnitures pour finir la semaine avec une moyenne de 10,7 L/100 km en conduite mixte urbaine… plus agressive que d’habitude. Mea culpa. Le plaisir croît avec l’usage, et on se dit, finalement, qu’on peut bien porter nos chaussures de courses même par des journées complet-cravate. Il faut vraiment remettre les clés? Zut.

Caractéristiques
Cylindrée 2,0L
Nb. de cylindres L4
Puissance 275 ch @ 5 600 tr/min
Couple 295 lb-pi @ 3 000–4 500 tr/min
Consommation de carburant 11,9 / 7,9 / 10,1 L/100 km ville/route/comb
Volume de chargement 257,7 L
Modèle à l'essai Chevrolet Camaro Turbo 1LT 2019
Prix de base 29 845 $
Taxe climatiseur 100 $
Frais transport et préparation 1 750 $
Prix tel qu’essayé 37 385 $
Équipement en option
5 690 $ – Groupe performance piste 1LE (Freins Brembo à quatre pistons à l’avant, refroidissement et freins service dur, refroidisseur d’huile, système de refroidissement à capacité accrue, refroidisseur de différentiel arrière, différentiel arrière à glissement limité, suspension haute performance, diffuseur avant, pellicule de capot et becquet arrière de couleur noir satiné, pneus d’été anti crevaison 245/40ZR20 avant, 275/35ZR20 arrière, jantes noires en aluminium de 20 po, insignes et éclairage RS, volant à méplat et levier de vitesses gainés de suède), 5 195 $; peinture Bleu Riverside, 495 $